Donald Trump banni de Twitter : cinq questions sur une décision inédite et critiquée (2024)

C'est une décision historique. Vendredi, les dirigeants de Twitter ont banni de manière définitive le compte de Donald Trump, alors que le président sortant continuait de contester le résultat de l' élection présidentielle américaine. Salué par certains, dénoncé comme de la « censure » par d'autres… ce choix du réseau social suscite de nombreuses réactions. On fait le point.

Pourquoi le compte de Donald Trump a-t-il été banni définitivement ?

Le bannissem*nt de Donald Trump est la dernière étape d'une longue série d'avertissem*nts adressés ces derniers mois au président sortant. Depuis l'élection présidentielle, le républicain n'a cessé de contester sa défaite. Par le biais de Twitter, il a encouragé à de multiples reprises ses supporters à intervenir en sa faveur, enfreignant les règles de la plateforme sur le respect des processus démocratiques.

Dans un premier temps, le réseau social dirigé par Jack Dorsey a décidé de masquer avec une note les tweets de Donald Trump clamant l'illégitimité des résultats électoraux. Les allégations du milliardaire pouvaient également être accompagnées de messages didactiques pour expliquer, par exemple, le processus électoral américain. 471 publications de Donald Trump ont ainsi été dotées d'un message d'avertissem*nt.

Mercredi, Twitter a passé la vitesse supérieure, après les violents affrontements du Capitole qui ont provoqué la mort de cinq personnes. Le réseau social a alors mis à exécution une menace qu'il brandissait depuis juin 2019 et suspendu, durant 12 heures, le compte du républicain. Mais jeudi, les dirigeants de l'entreprise ont finalement décidé de réactiver le compte du locataire de la Maison Blanche. Ce choix a provoqué la surprise générale, car l'actuel président est tenu en bonne partie responsable des émeutes qui ont choqué le pays. Donald Trump en avait alors profité pour publier de nouveaux tweets. Il avait d'abord remercié « les 75 millions de grands Patriotes Américains qui ont voté » pour lui et ne doivent être « ni méprisés ni traités injustement, d'une quelconque manière!!! ». Un message qui pouvait, selon le réseau social, faire l'apologie de la violence. « Nous avons estimé qu'ils étaient susceptibles d'encourager et d'inspirer des personnes à reproduire les actes criminels qui ont eu lieu au Capitole américain le 6 janvier 2021 », indique ainsi Twitter.

Quelques minutes plus tard, Donald Trump a publié un second tweet, pour expliquer qu'il ne se « rendrait pas à l'investiture du 20 janvier » de Joe Biden. Cette fois, le réseau social a jugé que cette déclaration pouvait être « reçue par un certain nombre de ses partisans comme une confirmation supplémentaire que l'élection n'était pas légitime », précisant que l'absence du président pourrait faire de cette cérémonie une « cible sûre car il ne sera pas présent ».

Ces deux tweets ont poussé l'entreprise américaine à suspendre, de manière définitive, le compte de Donald Trump vendredi soir. Fait rarissime, Twitter a même détaillé les raisons de sa décision dans un communiqué. « Après examen approfondi des tweets récents de @realDonaldTrump et du contexte actuel - notamment comment ils sont interprétés […] - nous avons suspendu le compte indéfiniment à cause du risque de nouvelles incitations à la violence », s'est ainsi justifiée l'entreprise.

After close review of recent Tweets from the @realDonaldTrump account and the context around them we have permanently suspended the account due to the risk of further incitement of violence.https://t.co/CBpE1I6j8Y

— Twitter Safety (@TwitterSafety) January 8, 2021

Comment a réagi Donald Trump ?

Avec plus de 88 millions d'abonnés sur Twitter, Donald Trump avait fait du réseau social à l'oiseau son outil de communication de prédilection.

Donald Trump banni de Twitter : cinq questions sur une décision inédite et critiquée (1)

La plateforme lui a permis de faire, pendant des années, des annonces politiques ; parfois même avant la publication de communiqués officiels ; de fulminer contre les médias ou encore d'insulter ses adversaires.

C'est pourquoi après l'annonce de la suspension définitive de son compte, Donald Trump a immédiatement laissé éclater sa colère… sur ce même réseau social. « Nous ne serons pas réduits au silence », a-t-il ainsi écrit via le compte Twitter officiel de la présidence américaine (POTUS). « Twitter est allé encore plus loin dans son musellement de la liberté d'expression et, ce soir, les employés de Twitter ont coordonné avec les démocrates et la gauche radicale le retrait de mon compte de leur plateforme, pour me faire taire moi - et VOUS, les 75 000 000 de grands patriotes qui ont voté pour moi », a-t-il ainsi fustigé. Il a évoqué des représailles contre le réseau et le possible lancement de sa propre plateforme dans un futur proche, à travers une série de messages immédiatement supprimés par Twitter.

« Utiliser un autre compte pour éviter la suspension est contre nos règles », a réagi un porte-parole de la société, qui va aussi prendre des mesures « pour l'imiter l'utilisation » des comptes gouvernementaux comme @POTUS et @WhiteHouse.

Pourquoi cette annonce est-elle vivement critiquée ?

Mais cette décision du réseau social lui a beaucoup été reprochée. « Nous comprenons le désir de suspendre (le président), mais tout le monde devrait s'inquiéter quand ces entreprises ont le pouvoir de retirer des personnes de leurs plateformes qui sont devenues indispensables à l'expression de milliards d'individus », a commenté Kate Ruane de la puissante association de défense des droits civiques américaine ACLU.

En France, les politiques sont également nombreux à avoir réagi. Ce samedi, Cedric O, secrétaire d'Etat au numérique, a estimé que la suspension permanente du chef d'Etat américain est justifiable, mais « pose des questions fondamentales » sur la « régulation du débat public ». « Nous avons besoin d'inventer une nouvelle forme de supervision démocratique », a-t-il ajouté.

La fermeture du compte de Donald Trump par @Twitter, si elle peut se justifier par une forme de prophylaxie d’urgence, n’en pose pas moins des questions fondamentales. La régulation du débat public par les principaux réseaux sociaux au regard de leurs seuls CGU...

— Cédric O (@cedric_o) January 9, 2021

Jean-Luc Mélenchon, chef de file de la France insoumise, a jugé de son côté que « le comportement de Trump ne peut servir de prétexte pour que les GAFA s'arrogent le pouvoir de contrôler le débat public », accusant « les lois Macron » d'avoir « légalisé cette censure privée ». Tandis que Marine Le Pen y a vu un « véritable coup de force démocratique de la part de grands groupes privés qui considèrent aujourd'hui qu'ils ont plus de pouvoir, et c'est probablement vrai, qu'un État ».

A l'inverse, d'autres personnalités ont estimé que cette décision « hypocrite » intervenait beaucoup trop tard alors que le républicain est sur le point d'achever sa présidence. « Quand Twitter et d'autres agissent maintenant, c'est comme tous ces hauts responsables du gouvernement qui démissionnent à quelques jours de la fin (du mandat) : c'est trop peu, trop tard », a par exemple regretté Angelo Carusone, président de l'ONG Media Matters for America. « S'ils avaient agi plus tôt, les horribles événements de mercredi auraient pu être évités. ». Depuis plusieurs semaines, les appels de personnalités et d'organisations, de Michelle Obama au syndicat des employés de Google, s'étaient en effet multipliés pour bannir le milliardaire des réseaux sociaux.

Le président sortant pourra-t-il encore communiquer ?

Désormais exclu de Twitter, mais aussi de Facebook, Snapchat, YouTube ou encore Twitch, le président sortant n'aura plus que des options limitées pour s'exprimer sur les réseaux sociaux. Pour communiquer avec ses soutiens et son noyau dur, toute la famille Trump avait basculé en 2018 sur le réseau social Parler, « garanti sans censure ». Son équipe de campagne, la « @Team Trump », y rassemble 2,5 millions d'abonnés. Mais Google a également banni le réseau social conservateur de son catalogue de téléchargement vendredi.

De nombreux partisans du président sortant craignent ainsi que celui-ci ne puisse plus s'exprimer, qualifiant la décision des GAFAM de « censure ». Pourtant, plusieurs personnalités américaines ont tenu à rappeler que Twitter n'est pas le canal principal de communication du chef de l'Etat, et que celui-ci peut encore s'exprimer par le biais de communiqués de presse publiés par la Maison Blanche.

Hi, the president can release statements via the White House anytime he wants. Just FYI.

— Abby D. Phillip (@abbydphillip) January 8, 2021

Avant l'arrivée du milliardaire dans le bureau ovale, c'était d'ailleurs l'outil de communication privilégié par les présidents américains.

Le risque est désormais que les partisans de Donald Trump migrent sur d'autres plateformes alternatives comme le « Facebook russe » VKontact, RuTube, Libry, Odysee, Me We, Rumbler… où la modération est beaucoup moins importante, voire inexistante, analyse Julien Giry, maître de conférences en sciences politiques et auteur d'une thèse sur le conspirationnisme dans la culture américaine. « Même si le ménage est fait sur les réseaux mainstream, ses messages trouveront un écho sur les plateformes alternatives qui sont en train de se généraliser », explique le spécialiste. « La régulation ne tue pas le problème, elle ne fait que le déplacer ».

Est-ce une première ?

Aucun président d'un Etat n'avait jamais, jusque-là, fait l'objet de telles sanctions virtuelles. Mais d'autres organisations ou personnalités publiques ont déjà été bannies des réseaux sociaux. Les algorithmes des plateformes sont programmés pour supprimer les organisations terroristes et les porteurs de discours de haine en ligne. En France, des personnalités d'extrême droite, comme Hervé Ryssen ou Alain Soral, ont déjà été exclues de Facebook ou YouTube. La page Egalité et réconciliation et l'organisation Génération Identitaire ont également fait l'objet de modération.

Ce samedi, Twitter a supprimé un message publié par le guide suprême iranien, Ali Khamenei, affirmant qu'il était impossible de faire confiance aux vaccins américains et britanniques contre le nouveau coronavirus. Et avec la multiplication des fausses informations sur la vaccination et les récentes violences du Capitole, les réseaux sociaux, souvent critiqués pour leur laxisme, devraient encore durcir leurs conditions d'utilisation. Que leurs internautes soient des personnalités politiques ou de simples citoyens.

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Author: Tish Haag

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