Trump bloqué par Twitter, Facebook et YouTube : 5 minutes pour comprendre une décision historique (2024)

« Ce tweet n'est plus disponible car il a enfreint les règles de Twitter. » Les usagers de la plateforme de microblogging lisent parfois cette formule au détour d'un passage sur leur fil d'actualité, mais cette fois elle s'affiche, à trois reprises pour la seule journée du mardi 6 janvier, sur le compte du 45e président des Etats-Unis. Une ambiance de fin de règne qui soulève de nombreuses questions.

Mardi après-midi, tandis qu'in real life - dans la vie réelle - des pro-Trump forçaient les entrées du Capitole américain pour interrompre la validation, par le Congrès, de la victoire de Joe Biden à la présidentielle, une autre scène inédite se jouait sur les réseaux sociaux.

Pour la première fois, Twitter, Facebook et YouTube ont pris la décision de censurer le président des Etats-Unis. Le patron de Facebook, Mark Zuckerberg, est même allé plus loin ce mercredi en annonçant la suspension du compte de Donald Trump « indéfiniment et au moins pour les deux prochaines semaines ».

Les dirigeants de ces réseaux sociaux ont pris la décision de suspendre le président au motif que ce dernier a enfreint leurs règles, affirment-ils. Mais ce choix n'est-il pas également l'effet d'une pression populaire, alors que de nombreux internautes leur ont reproché d'avoir permis l'organisation en amont, puis la diffusion en direct, de l'invasion du Capitole? Décryptage.

Un président américain ne devrait pas dire ça

Jusque-là, seule son équipe de campagne avait privé Donald Trump de Twitter, son outil de communication favori. À la veille de la présidentielle de 2016 qui l'a porté au pouvoir, ses conseillers l'avaient empêché de tweeter pour éviter une phrase malheureuse. Cette fois, Twitter bloque de lui-même cet usager pas comme les autres, déplorant des « violations répétées et graves de (la) politique d'intégrité civique » du réseau social.

As a result of the unprecedented and ongoing violent situation in Washington, D.C., we have required the removal of three @realDonaldTrump Tweets that were posted earlier today for repeated and severe violations of our Civic Integrity policy. https://t.co/k6OkjNG3bM

— Twitter Safety (@TwitterSafety) January 7, 2021

Entre Donald Trump et Twitter, c'est je t'aime moi non plus depuis de longs mois. Le président américain, qui a fait du réseau social son canal de prédilection et en est l'une des personnalités les plus suivies avec quelque 88 millions d'abonnés, a pourtant fustigé à de nombreuses reprises la politique de Twitter, qu'il considère trop injuste à l'égard des conservateurs.

Trump bloqué par Twitter, Facebook et YouTube : 5 minutes pour comprendre une décision historique (1)

Jusque-là, Twitter épinglait certaines allégations infondées de Trump dans une démarche policée - un signalement accompagné parfois de messages didactiques à destination des twittos, pour les aider à se forger une opinion. Ainsi depuis le premier tweet de Trump signalé par Twitter, le 8 mars 2020, 471 messages du président américain ont au total été signalés.

Cette fois, la plateforme a jugé que cette politique d'alerte ne suffisait plus : elle a mis en application une menace brandie en juin 2019. « Dans les cas où les tweets violent nos règles et que nous estimons qu'il n'est pas dans l'intérêt du public de les laisser visibles, nous exigerons du propriétaire du compte qu'il les retire », promettait alors Twitter. Action, réaction.

Twitter a également décidé de réduire la portée des messages encourageant les actes violents au Capitole. Ces tweets « ne pourront pas être retweetés ou'aimés', et on ne pourra pas y répondre", a précisé le réseau social.

Un président ne devrait pas dire ça : les raisons du blocage

Qu'est-ce qui a motivé cette escalade? La décision des réseaux sociaux d'agir plus fermement a émané mardi d'une vidéo postée par le président américain. On y voit Donald Trump appeler les émeutiers du Capitole au calme… tout en contestant, dans le même temps, la victoire de Joe Biden, qu'il qualifie une nouvelle fois de « volée ».

Le premier média en ligne à bloquer ladite vidéo est Facebook, qui a finalement décidé, au lendemain de l'intrusion au Capitole, de suspendre Trump pour une durée indéterminée. « C'est une situation d'urgence et nous prenons des mesures d'urgence appropriées, y compris le retrait de la vidéo du président Trump […] qui, au final, contribue au risque de violence au lieu de le diminuer », justifie Guy Rosen, l'un des vice-présidents du groupe chargé de l'intégrité du réseau social.

Même son de cloche du côté de YouTube. « Nos équipes travaillent pour enlever rapidement toutes les vidéos en direct et autres contenus qui enfreignent nos règles, y compris ceux qui incitent à la violence ou montrent des images de violence », a commenté le porte-parole de YouTube Alex Joseph dans un mail adressé à l'AFP.

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De son côté, Twitter a également supprimé la séquence ainsi que deux tweets… avant de faire un choix plus radical : bloquer son compte 12 heures, et au-delà si le « twittos » ne se met pas en conformité avec les règles de la maison. « Si les Tweets ne sont pas supprimés, le compte restera verrouillé. Les violations futures des règles de Twitter […] entraîneront la suspension permanente du compte de Donald Trump », indique le réseau social.

Dans la dernière version de ses règles d'utilisation datée du 2 décembre dernier, Twitter rappelait que les contenus haineux ou incitant à la violence « (seraient) supprimés dès qu'ils (leur seraient) signalés. Nous continuons aussi à être proactifs dans leur détection de manière automatisée ». Et d'annoncer la sentence : « Si un compte a, de manière répétée, violé les règles de Twitter, nous pouvons temporairement bloquer ou suspendre ce compte ».

« La régulation ne fait que déplacer le problème »

Devoir de démocratie ou pas, bloquer Donald Trump de canaux de communication de premier plan fait courir le risque de renforcer les théories du complot. « Si les plateformes ne font rien, elles sont accusées d'être complaisantes et si elles agissent, elles sont accusées de persécution, analyse Julien Giry, maître de conférences en science politique et auteur d'une thèse sur le conspirationnisme dans la culture américaine. Finalement, les complotistes gagnent toujours. »

Ne rien faire, ou agir, y a-t-il une solution ? « Personne n'a la bonne réponse, tranche Juien Giry. Donald Trump n'est pas l'internaute lambda, ce n'est pas le voisin de votre beau-frère. Nous sommes face à une situation extrêmement particulière qui révèle aussi la faiblesse de ces plateformes : n'aurait-il pas été plus courageux de bloquer Trump il y a trois ans, plutôt qu'aujourd'hui, en fin de règne ? », interroge l'universitaire.

Que cette régulation intervienne de l'initiative directe des plateformes concernées soulève également des questions politiques. « Cela montre que les Etats et les organisations internationales sont dépendants des décisions d'entreprises privées, observe Julien Giry. Etats-Unis, Union européenne, ONU… Aucun n'est capable de faire appliquer une régulation de lui-même. Cela en dit long sur la place des Gafa dans la société. »

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« Même si le ménage est fait sur les réseaux mainstream, ses messages trouveront un écho sur les plateformes alternatives qui sont en train de se généraliser », analyse Julien Giry. Le « Facebook russe » VKontact, RuTube, Libry, Odysee… Le discours trumpiste a encore de beaux jours devant lui. « La régulation ne tue pas le problème, elle ne fait que le déplacer », résume Julien Giry.

Pour communiquer avec ses soutiens et son noyau dur, toute la famille Trump a basculé en 2018 sur le réseau social Parler, « garanti sans censure ». Son équipe de campagne, la « @Team Trump », y rassemble 2,5 millions d'abonnés.

Sur le réseau social Parler, la @TeamTrump communique sans craindre la censure./Capture d'écran Parler

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